dimanche 23 décembre 2007
Le point sur "La légende des mille étangs"
Commencé en 2004, le film "La légende des mille étangs" devrait enfin voir le jour au milieu de l'année 2008.
Voici l'historique d'un accouchement quelque peu difficile :
Le projet est directement issu d'un film que j'ai réalisé en 1995, " Sainte Catherine, le rendez vous du 25 Novembre ", qui, pour les besoins du scénario (reconstitutions de foires rurales à travers les siècles), avait nécessité un grand nombre de figurants.
Nous avions alors fait appel, en plus de nos amis et connaissances, à des figurants amateurs recrutés par voie de presse et également à des personnes rencontrées presque par hasard:
Il y eut ainsi, dans les rangs de nos paysans de différentes époques, des chômeurs longue durée, des demandeurs d'emploi plus ou moins récemment inscrits, des sans-abri chroniques ou occasionnels, des clochards de passage, aussi bien que des curieux tout simplement attirés par les attroupements nés de nos tournages dans le vieux Vesoul .
A quelque temps de là, une conversation avec un des préfets de Haute Saône fut un élément déclenchant: "Vous faites du social sans le savoir, continuez donc dans cette voie".
Nous avions pu en effet constater les effets "bénéfiques" des tournages sur des personnes plus ou moins marginalisées et en situation sociale parfois précaire:
Les plus évidents étant d'être intégré à une ambiance conviviale et valorisante, d'avoir le sentiment d'appartenir à une équipe soudée, et de pouvoir lier connaissance de façon durable entre participants, au fil de séquences étalées sur près d'un année...
De son côté, notre équipe technique avait bel et bien l'impression d'apporter quelque chose à tous ces figurants improvisés, en échange d'un concours bénévole appréciable.
L'expérience était donc positive pour tout le monde et donnait envie de récidiver.
J'ai donc écrit en 1999 le scénario de "la légende des mille étangs", après avoir cherché -en vain- une légende tirée du folklore local, qui aurait pu servir de base à la nouvelle réalisation envisagée.
Un scénario original inédit semblait donc le plus apte à réunir tous les critères requis.
Il fallait qu'il concerne le patrimoine franc-comtois, tant historique que touristique, en le mettant en valeur, qu'il fasse appel là encore à de nombreux participants et figurants, que l'histoire soit en outre fortement étalée dans le temps pour permettre un tournage moins rigide que celui en vigueur dans le cinéma professionnel "normal", et enfin, que la nature du sujet se prête à ce mariage souvent considéré contre nature:
Amener des non professionnels du cinéma à travailler , dans le long terme, avec des techniciens de métier et des comédiens reconnus...
Sur le fond, le projet ralliait tous les suffrages.
Sur la forme, il se révéla compliqué à mettre en pratique.
Si le principe d'un chantier de formation/réinsertion officiel semblait judicieux et permettait d'envisager la rémunération des stagiaires participants pendant 8 mois de tournage, il n'en était pas de même pour les cinéastes, amenés à devenir des sortes "d'animateurs socio-éducatifs"
sans en avoir les diplômes.
Plusieurs années, émaillées de rendez vous et de rencontres aussi vaines que stériles, ne permirent pas de faire avancer les choses.
C'est en fin de compte une collaboration fortuite avec un consultant, plus familiarisé que nous avec les subtilités du langage technocratique, qui finit par débloquer la situation.:
Il suffisait d'appeler différemment la méthodologie, les participants et les actions envisagées, et de leur attribuer une terminologie adéquate !
Le projet reçut donc le feu vert des organismes concernés en Août 2003.
Entretemps, beaucoup d'eau avait coulé sous les ponts.
La politique culturelle régionale avait pris une autre orientation, la conjoncture économique se révélait de moins en moins favorable, l'Euro pointait son nez et de nouveaux interlocuteurs avaient été mis en place...
Cependant, le projet devait démarrer rapidement, faute de quoi l'opération si patiemment échafaudée risquait d'être compromise.
Le tournage débuta donc, bien que la totalité du budget envisagé ait été loin d'avoir été réuni.
Celui ci était divisé en deux chapitres bien distincts:
D'une part, la partie "chantier de Formation/Réinsertion", concernant les participants stagiaires et formateurs, ainsi que leur prise en charge .
D'autre part, la partie purement cinématographique, concernant les intermittents du spectacle employés, la fourniture des pellicules, des bandes sons, des consommables, les travaux de laboratoires, les frais de tournage, de décors, de costumes, etc...
A noter que le chantier ne concernait que le tournage, prévu sur 8 mois, et non pas la post-production du film (montage, mixage, effets spéciaux , génériques et finitions diverses), prévue, quant à elle, ultérieurement.
Vingt et un stagiaires, dont la situation sociale se prêtait à une opération de réinsertion, furent recrutés par les filières et organismes concernés.
Le but affiché était bien évidemment de ne pas former des gens de cinéma, mais au contraire, de les orienter en direction de métiers plus conventionnels.
C'est ainsi que nos stagiaires furent répartis, selon leur choix, sur des activités ayant trait à la construction des décors (métiers du bâtiment), à la confection, la collecte et l'utilisation des costumes (métiers de la couture), au maquillage et à la coiffure
(salons et instituts de beauté), à la fabrication d'une maquette et la mise en place d' effets spéciaux, et enfin, à la Régie (accueil, logistique, gestion de personnels et organisation
générale).
Une trentaine de journées de tournage avaient été programmée sur 8 mois, de façon à permettre de mettre en place, à 8 reprises, un schéma de travail presque toujours identique:
- Repérages, aménagement et construction des décors nécessaires, recrutement des figurants et préparation du tournage pendant 3 semaines.
- Tournage proprement dit, sur une période allant de trois à cinq jours.
- Démontage des décors, rangement divers et établissement de bilans, sur les derniers jours du mois.
A l'issue des 8 mois du chantier d'insertion , il ne restait plus qu'à tourner quelques scènes complémentaires, ne concernant plus cette fois que les professionnels du cinéma, avant le commencement de la phase de post-production.
Une vingtaine de techniciens, pour la plupart intermittents du spectacle, ont été sollicités pour occuper les fonctions traditionnelles d'une équipe de tournage :
chef opérateur-cadreur, assistants, ingénieur du son, scripte, maquilleuse, électro-machino,régisseur, etc...
Le casting a réuni Delphine Depardieu (Paris) , Philippe Coulon (Besançon),
Lionel Muzin (Paris) et Christophe Vincent (Besançon) pour les rôles principaux.
Isabelle Sosolic, Jacques Fornier, Daniel Poinard et Jean François Eonot pour les seconds rôles.
Une bonne centaine de figurants ont participé aux reconstitutions historiques de marché, fête champêtre, travaux dans les bois et
les champs, exigés par une histoire se déroulant au XVIème siècle.
Bien que parfois contrarié par une météo capricieuse, le tournage put être mené à bien , en bénéficiant notamment du concours des habitants du pays des mille étangs.
Ainsi un ensemble de bâtiments, la ferme de Quarmantran, fut mis gracieusement à notre disposition par ses propriétaires pendant 8 mois.
De très nombreux villageois du secteur nous apportèrent leur concours, en prêtant des animaux, de l'outillage agricole et forestier, en participant aux repérages et à l'organisation des séquences, ou encoe, en devenant des figurants assidus.
Les comédiens jouèrent le jeu, en se contentant, par amitié, de cachets souvent modestes.
Pour nos techniciens, souvent habitués à travailler ensemble, il s'agissait de retrouvailles presque familiales
Et nos figurants de toujours, notamment le petit monde des spéléos franc-comtois, furent une fois de plus au rendez vous...
Bien des sponsors - mais pas tous - répondirent présents
Cependant, les sommes réunies s'avèrèrent insuffisantes par rapport aux prévisions établies.
Si le tournage -et le chantier d'insertion qui y était associé- purent être achevés (notamment grâce à l'apport de fonds personnels) dans les délais, la post-production du film , elle, dût être mise en veille.
En effet, de nombreuses démarches et autres demandes de subventions, locales ou régionales, échouèrent, le plus souvent en raison de la situation économique et culturelle que nous connaissons depuis plusieurs années maintenant.
La liste des entreprises, organismes, institutions, autrefois ouverts et généreux, qui se désistent désormais systématiquement , est longue.
Enfin, une autre cause de retard tient à l'attitude des laboratoires de cinéma, qui, il y a encore peu de temps, acceptaient de fournir les copies de film aux réalisateurs indépendants en mettant les factures en attente, le règlement intervenant de façon échelonnée au fur et à mesure de la diffusion du film et des recettes correspondantes.
Confrontés à la concurrence du Numérique, bien des laboratoires cinématographiques
sont aujourd'hui "dans le rouge" et ne peuvent plus accorder les largesses d'antan.
Notre laboratoire attitré (Neyrac Films-Centrimage), a ainsi été mis en liquidation cette année et a dû passer sous la tutelle du groupe GTC-Eclair.
Force était donc d'attendre des jours meilleurs...
Toutefois, les frustrations engendrées par ce retard bien involontaire n'ont pas été inutiles.
Le projet a mûri, le scénario a évolué, une réflexion différente a vu le jour.
Dans la mesure du possible (nous n'avons pas refait appel aux comédiens principaux), l'histoire s'est affinée, à travers des séquences complémentaires qui ont permis une autre approche de la narration.
Le temps qui s'est écoulé, au lieu d'être un handicap, est devenu un avantage, en raison du recul qu'il nous a imposé...
Aujourd'hui, l'espoir renaît de voir enfin le film terminé dans un futur proche.
Quelques nouveaux sponsors, récemment sollicités, semblent décidés à intervenir.
Il est donc est permis d'envisager le tirage d'une première copie 35mm pour le milieu de 2008.
En évoquant les grandes lignes de cette belle aventure, je pense à un proverbe touareg plein de sagesse, qui peut se résumer ainsi:
"Si, dans le désert, tu perds la piste,
d'abord, tu t'arrêtes.
Ensuite, tu fais le thé et tu réfléchis...
Après seulement, tu repars".
Je vais bientôt avoir fini mon thé...
Alain Baptizet
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